Christophe Weibel est expert vol et mobilier au Bureau Polyexpert de Metz. Il aborde dans cet article la passion des Hommes, petits et grands, pour le jeu en général et pour le jeu d’échecs en particulier. Il évoque ici les origines de ce jeu, les utilisations qui en sont faites dans le monde au fil des époques, la fabrication et les matériaux, la rareté et la préciosité de certaines pièces qui en font des objets prisés par les collectionneurs. ????
De tout temps jouer était un besoin, une nécessité, un rêve permanent pour chaque enfant. Ainsi dans maintes civilisations il n’est pas une ethnie qui n’ait eu ses jeux. L’on pouvait jouer avec des cailloux, des coquillages, des fèves ou glands, en creusant des petits trous à même le sol, l’on taillait des pièces de bois, d’os et d’ivoire.
Plus tard se créeront aussi des plateaux ou tables de jeux où viendront également s’affronter les adultes, à la recherche d’émotions fortes et d’évasion.
Tous ces objets ne s’intègrent pas dans la description classiques d’objets d’arts dits « valables » tels que tableaux, sculptures, meubles, porcelaines et faïences… mais il n’en reste pas moins que des collectionneurs avisés recherchent ces pièces rares et précieuses de cet univers ludique.
Nombre de musées et galeries où collections privées recèlent d’ailleurs de pièces exceptionnelles. Certaines sont également régulièrement proposées par les marchands spécialisés ou les salles des ventes.
Il y a dans cet univers magique et divertissant, pour petits et grands, un jeu auquel des milliers d’ouvrages ont été consacrés car il cumule à la fois les caractéristiques d’un jeu, d’un art, d’une véritable science pour certains et également d’un sport : le Roi des Jeux, le jeu d’Échecs.
Si l’origine précise des Échecs est toujours mystérieuse, imprécise, et controversée, l’on peut s’accorder à dire que son origine orientale est quasi certaine. Arrivés vers la fin du Xème siècle en Occident ils se répandent dans toute la société médiévale aussi bien auprès des classes populaires que de l’aristocratie.
Proscrit par le culte de l’islam, les pièces initiales du jeu d’échecs étaient non figuratives.
Introduites sur le continent européen, les occidentaux fabriqueront des pièces figuratives. Les pièces ont été resculptées en Rois réels, les vizirs deviennent Reines (puis des Dames après la Révolution française), les Cavaliers et les Tours ont vu leur nom pris au pied de la lettre (les tours sont les remparts et les chevaux sont dans les écuries proches). En Angleterre les Fous étaient nommés Bishop (évêques). Chaque pièce s’est ainsi vu attribuer une relative importance même le plus simple Pion.
L’immense succès de ce jeux réside alors dans son adaptation aisée à la civilisation occidentale tout aussi militarisée à l’époque que l’Orient. Innombrables seront les écrits ou Livres d’Heures mettant en scène des joueurs d’Échecs.
Le but même du jeu apparaît aux occidentaux de l’époque médiévale assez plaisant puisqu’il vise à empêcher un Roi de se déplacer et de le déclarer mort (shah mat).
À partir de 1 200 il se répand dans toutes les villes et campagnes d’Europe.
Les pièces d’Echecs seront rapidement considérées comme des éléments d’apparats par les Seigneurs, les laïques ou les ecclésiastiques. On se met à « collectionner » les Échecs dès le moyen âge.
Au fil du temps, l’évolution du jeu s’est vu interdire l’utilisation conjointe de dés, l’on a accordé à la Reine son exceptionnel pouvoir vers la fin du XVème siècle, le déplacement spécial du Roque, n’est quant à lui intervenu que vers le XIXème siècle.
Le jeu d’échecs, dont des pièces exceptionnelles sont sorties des ateliers de Dieppe, d’Angleterre, d’Allemagne, de Russie, et globalement de toute l’Europe centrale, ont été produites en bois mais surtout en ivoire. Les jeux d’échecs des XVIIème et XVIIIème siècle sont particulièrement prisés et recherchés. Les artisans français n’étaient pas en reste, de très belles productions ont été réalisés à Paris et à Lyon.
L’engouement du jeu d’échecs est tel qu’il sera d’ailleurs très rapidement aussi décliné avec son plateau et ses pièces en coffrets de voyage et il trouvera également une place de choix dans certains intérieurs avec la fabrication de tables de jeux très prisées dites Tric-Trac d’époque Louis XVI.
Les jeux d’Echecs anciens se raréfient d’années en années car les actes de vandalismes, les guerres, les incendies, les pillages ont parfois raison de tous ces objets. Le succès des jeux d’échecs reste cependant constant et l’ivresse du collectionneur se focalisera bien évidemment sur les pièces les plus rares en os et en ivoire, car les plus difficiles à trouver et les plus fragiles.
Il existe encore à ce jour des productions en Angleterre qui refabriquent à l’identique des Echecs de qualité conformes à ceux proposés au XIXème siècle, moyennant quelques milliers d’euros.
Avec un peu de chance vous pourriez vous aussi éventuellement acquérir une figurine médiévale norvégienne en ivoire de morse sculpté, pour quelques livres, comme ce marchand d’Edimbourg en 1964 et la voir se vendre une cinquantaine d’années plus tard par la Maison Sotheby’s pour la somme rondelette de 819 000€. Plus proche de nous, une table d’échecs signée Man Ray (1890-1976) s’est quant à elle vu adjuger, pour la non moins coquette somme de 35 000 €, en 2022 par la Maison Millon. Pour des budgets un peu plus serrés vous privilégierez de démarrer votre future nouvelle collection de jeux d’échecs en faisant l’acquisition d’un jeu complet Chinois du XIXème plateau laqué et pièces en ivoire peinte pour 7 512 € chez Normandy Auction, par exemple.
Christophe Weibel – Polyexpert Metz
Bio express de Christophe Weibel
- Formation : IPCAD Strasbourg.
- Expérience professionnelle : 31 ans d’expertise vol.
- Entrée dans le Groupe : 1999.
- Spécialité : vol bijoux et objets d’art.
- A titre personnel goût pour : l’archéologie, la nature, la lecture, les voyages et la musique, l’écouter et en jouer.