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“La Miniature comme objet de convoitise”

23 Sep 2020

Forte d’une solide formation en histoire de l’art à l’Université et à l’Ecole du Louvre et d’une expérience dans le milieu des ventes aux enchères, Mathilde Declercq est expert au Bureau Polyexpert de Courbevoie depuis 2015. Dans cet article, elle vous fait découvrir un objet d’art très prisé au 18ème siècle : « La peinture en miniature  ».

En tant qu’experts vol en assurance, nous sommes amenés, la plupart du temps, à estimer et expertiser des bijoux. Ces derniers constituent en effet la majeure partie du butin des cambrioleurs. Ils sont à la fois de véritables biens de valeur mais également, de par leur taille, faciles à transporter. Néanmoins, d’autres objets, moins courants, pourraient également être dérobés, comme des œuvres d’art de petit format. Parmi celles-ci, se distinguent notamment les portraits en miniature, dont les spécificités sont proches de celles des bijoux. Nous pourrions tout aussi bien retrouver ces petits objets de valeur lors d’expertises à la suite d’autres sinistres comme un dégât des eaux ou encore un incendie.

Ainsi, le portrait en miniature par ses dimensions mêmes a été décliné sur divers objets : étuis, boîtes, tabatières mais aussi des pendentifs. Ces objets d’art, intimes, étaient souvent destinés à la contemplation privée. Antoine Furetière, dans son Dictionnaire universel (1690), écrivait : « Les amans se font peindre en miniature ».

La miniature, ou l’art de reproduire sur un petit format une scène ou un portrait, fut très abondante au XVIIIe siècle, et même au début du XIXe siècle. À cette période, ce genre devint très populaire parmi les élites et les membres des familles royales, aussi bien en France qu’en Angleterre. Peu importe la technique employée, la fonction première du portrait, qui est en réalité celle de la peinture, était de garder une trace d’un proche. Les petits portraits étaient ainsi offerts lors d’événements particuliers, ou même échangés entre amis. La miniature s’offrait en effet en témoignage d’amour ou d’amitié. Précieux, ces petits portraits étaient souvent conservés dans des cabinets.

Les souverains ainsi que leur entourage ont également été le sujet de portraits en miniature. Parmi les petits portraits de prestige, se distinguait notamment la boîte à portrait. Il s’agissait au départ d’un portrait en émail, greffé ensuite à une monture d’orfèvrerie. Ces objets constituaient en réalité des cadeaux royaux, offerts au XVIIIe siècle.

Le Musée Cognacq-Jay, à Paris, comprend une importante et très belle collection de portraits en miniature. Nous pouvons par exemple contempler parmi ces derniers une tabatière en or ornée d’un portrait en émail de Marie-Antoinette, d’après une composition peinte de François Dumont, l’un des miniaturistes attitrés de la reine.

Bien que de nombreuses miniatures ne soient pas signées, il faut tout de même retenir quelques grands noms du genre, comme par exemple Jean-Baptiste Weyler (1747-1791), l’un des peintres de portraits miniatures le plus renommé du XVIIIe siècle. N’oublions pas également de citer Marie-Anne Fragonard (1745-1823), épouse du peintre Jean-Honoré Fragonard.

Les supports des miniatures sont variés : tablettes (plaques de plâtre), vélin, ivoire, papier ou encore carton. C’est le vélin qui sera utilisé en France dans un premier temps. Toujours dans son Dictionnaire universel (1690),Antoine Furetière avançait que : « La miniature se fait de simples couleurs très fines, détrempées avec de l’eau, et de la gomme sans huile. Elle est distinguée des autres peintures, en ce qu’elle est plus délicate, qu’elle veut être regardée de près, qu’on ne la peut faire aisément qu’en petit, qu’on ne la travaille que sur du vélin, ou des tablettes”.

Ce n’est que vers la seconde moitié du XVIIIe siècle que l’ivoire supplantera le vélin, à la suite de la visite de la célèbre pastelliste et miniaturiste vénitienne Rosalba Carriera, à Paris en 1720. Puis le miniaturiste d’origine suédoise Pierre Adolphe Hall, qui s’installe à Paris en 1766, finira de révolutionner l’art de la miniature en employant systématiquement l’ivoire comme support. Au début du XIXe siècle, le papier commencera à être utilisé. Les peintures employées par les artistes étaient la gouache, l’aquarelle ou encore le pastel.

Si les petits portraits furent oubliés dès le milieu du XIXe siècle, car de plus en plus concurrencés par la photographie, il n’en demeure pas moins que certains d’entre eux sont de véritables œuvres d’art, comme indiqué plus haut, alliant précision et délicatesse. Admirons par exemple ce Portrait de Wilhelmine de Prusse, Princesse d’Orange-Nassau, en miniaturiste entourée de sa famille. Cette peinture ovale sur ivoire (13 x 12 cm), datée de 1784, fait pleinement apparaître l’art du miniaturiste, en l’occurrence de la miniaturiste ici, entourée de ses instruments, comme le pupitre, sa palette et divers pinceaux. Bien souvent, une loupe était également utilisée par le peintre. Ce petit portrait est un bel exemple des cercles familiaux qui pouvaient être représentés au XVIIIe siècle en peinture. La princesse est ici entourée de son époux et de trois de leurs enfants.

Il est plutôt courant de rencontrer des miniatures dans les ventes aux enchères. La majorité de celles-ci datent du XIXe siècle et ne sont pas signées. Les montants d’adjudication ne sont alors pas très élevés. Il arrive néanmoins que certaines miniatures fassent s’envoler les enchères. Dernièrement, ce fut notamment le cas d’un Portrait de Benjamin Franklin, adjugé 22 300 € par la célèbre maison de ventes aux enchères Sotheby’s (2019). Si nous sommes amenés, en tant qu’experts, à estimer une miniature, c’est la valeur en vente publique qui sera celle de référence.

Enfin, si vous souhaitez admirer de beaux portraits en miniature, rendez-vous au Musée Cognacq-Jay, à Paris !

Mathilde Declercq

Bio-Express

  • Double licence Histoire de l’art et Histoire, Université de Lille III.
  • Master 1 de muséologie et Master 2 marché de l’art, Ecole du Louvre, Paris.
  • Expérience dans le milieu des ventes aux enchères pendant près de 3 ans.
  • Avril 2015 : Polyexpert
  • Expert mobilier et objets de valeur au Bureau de Courbevoie. Elle traite des sinistres vol notamment des objets de valeur (bijoux, montres, mobilier, vêtements de luxe, maroquinerie…) et des marchandises sur les départements 77 et 93 et ponctuellement sur le 75. Elle traite de plus en plus de dossiers avec des experts complexes à la suite d’incendies, DDE, inondations…
  • A titre personnel gout prononcé pour le prêt à porter, la maroquinerie et le mobilier.

Illustration : De Saint-Ligié. “Portrait de Wilhelmine de Prusse, princesse d”Orange-Nassau en miniaturiste entourée de sa famille”. Aquarelle et gouache sur ivoire. 1784. Paris, musée Cognacq-Jay.© Stéphane Piera / Musée Cognacq Jay.

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